La vidéo a tendance à faciliter la démarche artistique qui
tend à traiter de l’autoportrait. Au contraire du cinéma, la vidéo est commode
à réaliser, nul besoin d’avoir toute une équipe technique derrière soi pour réaliser
une séquence. Les caméras vidéo sont facilement transportables et l’artiste peut
faire entrer son corps dans l’image en se plaçant devant l’objectif, l’enregistrement
étant continu, le cadre vidéo préexiste, le son est enregistré simultanément,
les avancés techniques permettent de faire le montage chez soi. L’artiste qui
traite de son autoportrait n’a donc pas besoin de sortir de son intimité. Le fait
que la vidéo soit naturellement reliée à la télévision renvoie une attitude plus
naturelle face à l’objectif que le film. Bill Viola utilise son image dans ses
bandes vidéo pour ne pas avoir sortir de son intimité durant la réalisation de
ses œuvres, c’est ainsi qu’il se passe désormais de tout intermédiaire dans la
conception et la réalisation de ses vidéos. Ayant acquis le matériel de production
suffisant et ayant accès à des laboratoires de recherche de diverses grandes compagnies
comme Sony, il est autonome et peut intervenir à toutes les étapes de la réalisation
et de la production de ses œuvres lui-même. A la biennale de Venise 2001, il présentait
une vidéo sur deux écrans plasmas l’un au dessus de l’autre. Sur l’un des écran
on pouvait voir Bill Violat cadré de la tête jusqu’aux hanches plongées dans l’eau,
et sur l’autre en miroir, une femme lui ressemblant, cadrée de la même manière
et dans l’eau également. Lentement les deux corps s’abaissent dans l’eau et se
relèvent troublant la surface liquide dans laquelle ils se trouvent. Les deux
écrans étant placées en miroir, les deux corps semblent se fondre l’un dans l’autre.
Progressivement après plusieurs répétition de ce même mouvement, par un effet
de morphing, les deux corps se transforment après déformation l’un en l’autre.
Il en résulte que leurs positions respectives se trouvent inversés par rapport
au début de la séquence. L’allusion à Narcisse est évidente. La douleur qui semble
découler de cette transformation est traduite par les expressions des visages
des deux personnages lors de leurs déformations. Bill Violat en plus de traiter
un autoportrait questionne aussi la limite qui existe entre le genre masculin
et féminin en prenant comme double une femme qui lui ressemble et porte la même
tenue vestimentaire.L’autoportrait n’est pas forcément le propos de l’artiste,
toutefois on remarque une entrée des corps de l’artiste de plus en plus fréquente
dans le cadre de la vidéo. L’artiste entre dans la vidéo pour les raisons de facilité
de prises de vues énoncées plus haut, mais aussi parce que l’artiste a un modèle
toujours à sa disposition, lui-même. Pour les premiers artistes praticiens, « La
vidéo autorisait également un sentiment d’intimité que le cinéma était incapable
de procurer .»[1] C’est ainsi
que Bruce Nauman se vidéo filme. Dans toutes ses œuvres vidéos, il utilise son
corps, sa figure ou des fragments de lui-même. Bien qu’étant des fragment de lui-même,
les œuvres produites ainsi restent très impersonnelles. Avec l’utilisation de
la vidéo, il devient facile d’enregistrer le geste de l’artiste et son corps en
mouvement. L’autoportrait se détache de l’autobiographie, il ne raconte pas l’artiste,
il le montre simplement comme un élément plastique. Les œuvres relatives à l’autoportrait
« se posent toutes, même si c’est sans la formuler comme telle, la question
du « qui suis-je ? » .»[2]
[1] Michael Rush, Les Nouveaux Médias dans l’art,
Ed. L’Univers de l’art, Paris, 2000, p. 84.
[2] Communications, « Vidéo », numéro spécial
dirigé par Raymond Bellour et Anne-Marie Duguet, n°48, Ed. Le Seuil, Paris,
1988, p. 379.