A propos de  15 jours 

vidéo n/b (photographies numériques et morphing : Philippe MONFOUGA. Bande son : IIDA Etsuko) sur support  DVD Vidéo stéréo.

Tous les jours pendant quinze jours, je me suis pris en photo à l’aide d’un appareil photo numérique, le matin au réveil. Quinze jours, c’est peu dans une vie. Il semble que nous ne changeons pas d’apparence dans un laps de temps aussi court, pourtant le temps poursuit son œuvre. « Le temps est succession »[1], chaque photographie fige un instant, mises cote à cotes, ces photographies représentent cette succession du temps. Cette succession du temps qui ne peut être perçu sans un avant et un après. La durée, quant à elle, est continue. La vidéo a ceci de particulier qu’elle montre la durée et l’instant simultanément. Elle présente une certaine durée, cette durée étant composée d’instants (25 images par secondes). Dans le cas de cette vidéo, les temps intermédiaires (24 heures) entre deux photographies sont réalisés grâce à la technique du morphing. Ces images intermédiaires sont des extrapolations des photographies de bases, le résultat de computations, une déformation de l’espace photographique, un déplacement des coordonnées des pixels formant la carte numérique de l’image. La différence temporelle entre la première prise de vue et la dernière étant de faible durée, comparée à la durée de l’existence humaine moyenne, la différence entre les autoportraits est à peine perceptible, seules les cadrages différents, car non prémédités, et les expressions légèrement différentes, quoique semblables, marquent un écart entre les prises de vue, écart renforcé par le mouvement induit par les images issues de computations. Paradoxalement, l’écart est aussi brouillé par les images issues du morphing. Ces images issues de calcul peuvent sembler des clichés photographiques au même titre que celles prises par l’appareil numérique. Ainsi, la vitesse de déroulement de la vidéo permet avec un peu d’attention de remarquer que certaines images ne sont pas naturelles, sans pouvoir toutefois distinguer clairement dans l’intervalle entre deux images, laquelle est une prise de vue et laquelle est un calcul.La bande son, quant à elle, marque l’instant et la durée par la superposition de deux pistes, l’une répétitive, l’autre continue.

[1] Henri Bergson, Durée et simultanéité, Paris, Ed. PUF, 1998.