Parcours.

Deux logiques s’affrontent : la lecture et le parcours. Un texte se lit et suscite une lecture. Les annotations qui constituent la structure d'un texte enrichissent la lecture, l’approfondissent, mais n’en déplace pas la visée unitaire. Cependant un texte ne se parcourt pas : il ne s’agit pas de passer de documents en documents, mais de remplir la visée unitaire de la lecture par l’enrichissement progressif prescrit par le texte principal et les indications interprétatives donnés par les annotations.

Un hypertexte se parcourt. Le phénomène de la désorientation nous dit qu’il ne se lit pas. En effet, le parcours déplace la lecture au lieu de l’enrichir : il déplace la visée unitaire de la lecture au lieu d’enrichir son remplissement. En supprimant la notion de texte principal à laquelle rapporter les autres documents comme annotations, les hypertextes ne sont pas fait pour être lu, mais pour être parcouru. La désorientation naît de la confusion entre parcours et lecture : la lecture n’est pas un parcours et les hypertextes ne sont pas lisibles. Ce sont bien des hypotextes.

Les hypertextes doivent être compris comme des matériaux de lecture : ils fournissent des éléments pour construire un parcours qui soit une lecture. Ils ne sont d'ailleurs pas construit comme un texte classique, fait de parties, de chapitres, de sous-chapitres, de paragraphes, etc. Les hypertextes ne suivent pas les même règles, ils sont souvent construits à partir de courts paragraphes destinés à être remplacés par d'autres, il sont conçus pour le mouvement, le parcours. On obtient donc la situation suivante :

virtuellement, un hypertexte est bien plus qu’un texte puisqu’il propose un nombre quasi infini de parcours possibles par la combinatoire des liens, l’hypertexte permet de construire un nombre indéfini de textualités dont les documents composant l’hypertexte peuvent constituer tour à tour le texte de référence ou ses annotations.

actuellement, un hypertexte n’est qu’un hypotexte car il ne propose aucune lecture, c’est-à-dire n'ayant aucune visée intentionnelle de lecture, le parcours est déplacement et non un enrichissement.

potentiellement, un hypertexte permet de construire un nombre indéfini de lecture possible;

 Le propre du virtuel est d’être présent sans être effectif : il est abstrait, inaccessible bien que présent.

C’est ce qu’est l’hypertexte comme ensemble virtuel de lectures possibles. L’actuel, c’est l’effectif, c’est ce qui est actuellement, en acte. Le potentiel, c’est ce qui n’est pas réel, mais qui peut le devenir. Alors que le virtuel est présent et demeure inactuel, le potentiel est absent et devient réel. Le passage du virtuel à l’actuel correspond à l’actualisation.

Ce que l’on veut actualiser dans le cas de l’hypertexe, c’est une lecture ( pas forcément du texte) . Il faut donc rendre possible une telle actualisation en rendant virtuel la lecture. Il s’agit donc de potentialiser des ressources afin de doter l'hypertexte d’instruments de lecture ( les liens ) dont l’utilisation effective corresponde à l’actualisation d’une lecture.