Copyleft

En réponse au copyright est né sur le réseau la licence art libre ou copyleft qui est accessible à l’adresse Internet suivante : http://www.webbar.fr/~copyleft/lal.html

Présenté à la fois comme une sorte de manifeste et comme une licence d’utilisation des œuvres, le copyleft concerne d’abord les œuvres numériques pour le réseau mais couvre aussi tous les modes d’expressions artistiques pourvu que les auteurs acceptent de se soumettre à cette licence. Au premier abord il semble que cette licence nie les droits des auteurs, même nie les auteurs eux-même. En effet suivant ses termes, elle autorise la copie, la modification, la libre circulation de l’œuvre et sa diffusion quelque soit le support.

En réalité, loin de nier les droits d’auteurs (copyright), le copyleft redéfini la notion d’œuvre et d’original, sans jamais faire disparaître l’autorité de l’artiste mais plutôt en définissant une notion d’auteur complémentaire, à savoir le contributeur. L’auteur de l’œuvre n’est plus un ou un groupe d’artiste ayant réalisé une œuvre finie. L’auteur devient l’initiateur d’un projet artistique ayant des « contributeurs », ces contributeurs étant eux-mêmes auteurs de l’œuvre. Ainsi l’autorité d’une réalisation artistique devient une autorité partagée.

La notion d’œuvre originelle reste d’actualité bien qu’elle s’applique pas aux mêmes objets, il s’agit alors de la première œuvres ayant été crée ou de la source ou ressource d’une œuvre dont découlent toutes les œuvres ultérieures.

Il est intéressant de relever ces termes de « source » ou de « ressource » qui proviennent non pas du langage habituel des objets de l’art mais du langage informatique. En effet les sources ou ressources sont les informations de départ servants à la construction de programmes informatiques. C’est en suivant ce procédé de licence libre qu’est né notamment le système d’exploitation Linux dont les sources sont libres d’utilisation et de modification pourvu que soient cité à chaque modification les différents contributeurs qui ont amélioré telle ou telle partie du programme. 

Avec le copyleft les droits d’auteurs sont partagés et arborescents. Attendu qu’une œuvre originelle peut être copiée et modifiée parallèlement par plusieurs contributeurs qui deviennent à leurs tours auteurs, et que les œuvres ainsi produites peuvent elles-mêmes être copiées et modifiées par d’autres contributeurs et ainsi de suite, les droits d’auteurs suivent une chronologie arborescentes. On peut pousser le raisonnement à l’extrême et imaginer facilement qu’au bout de la énième modification de l’œuvre les liens de parenté  entre les différentes contributions soient si éloignées les uns des autres qu’il soit pratiquement impossibles de les identifier. Dans ce cas et si la licence est respectée par tous les contributeurs, il ne reste alors plus que cette licence comme moyen d’établir la filiation des œuvres les unes par rapport aux autres. 

Une des principales innovations qu'accompliraient les arts utilisant les technologies numériques en réseau serait, d’après certains, une nouvelle distribution des rôles entre les artistes et le public. D'une part, le travail en collectif (ce qui n'est pas vraiment nouveau, en effet, les artistes ont toujours travaillé en association avec d’autres artistes ou même d’autres corps de métier), deviendrait nécessaire pour la réalisation d'œuvres techniquement plus complexes, et ferait que tous les rôles de l'équipe seraient, à la limite, interchangeables, l'artiste ne pouvant plus s'attribuer celui de créateur unique. D'autre part, le public, dont la participation est fortement demandée, deviendrait contributeur donc créateur et auteur  à son tour de l’œuvre (ce qui n’est pas nouveau non plus, il existe en effet beaucoup d’œuvres et notamment d’installations où l’artiste demande la contribution des spectateurs).

Cette insistance à vouloir enlever à l'artiste son autorité dénote une tendance à vouloir faire disparaître le propre de la création, et la fonction critique qui s'y rattache. Toutefois, l'artiste propose tout de même sa vision  du monde. En mettant sa vision du monde au même niveau que celle propre à d'autres secteurs d'activité, on retire à l'artiste la possibilité de proposer des réflexions qui lui sont propres, et d'être critique face à la société et à son art.

Certes les limites entre l’auteur et le spectateur de l’œuvre deviennent floues et mouvantes, néanmoins la notion d’auteur ne doit pas être niée et la définition donnée par le copyleft, à savoir que l’auteur, « c'est la personne qui a créé l'œuvre à l'origine d'une arborescence de cette œuvre modifiée. » me semble répondre au changement induit par le réseau et lever toute l’ambiguïté soulevée par la participation active du spectateur dans l’œuvre. La différence primordiale qu’il faut retenir, c’est que les œuvres pour le réseau ne sont plus des œuvres finies, et donc que l’auteur ne laisse pas un objet à voir mais un processus à expérimenter et à développer dans le cadre tout de même limité du projet de l’artiste. L’œuvre s’apparente de plus en plus à un projet artistique en développement, à une recherche sans fin.